Après ma première navigation, bien plus difficile que ce que j’avais imaginé, nous arrivons sur Makatea : magnifique plateau vert surplombant l’océan d’une centaine de mètres. Cette île est une exception géologique, un atoll sorti de l’eau. Nous la contournons pour aller trouver la zone de mouillage à l’abri du vent. C’est l’occasion d’observer ses falaises jaunes, verticales et parsemées de grottes. Nous découvrons enfin, au détour d’un dernier cap, les ruines de l’ancien port de chargement du phosphate.
Car si Makatea est aujourd’hui une île paisible peuplée d’une centaine d’habitants, cela n’a pas toujours été le cas. Elle fut, de 1906 à 1966, exploitée pour son phosphate. Ici résonnait les coups de pioches et de pelles servant à l’extraction du précieux minerai. Quatre mille hommes de diverses nationalités vivaient sur l’île. Des commerces, un cinéma, des bars, et même une boîte de nuit avaient été construits. Jusqu’au jour où le phosphate fut épuisé. L’exploitation industrielle s’arrêta et en quelques semaines, l’île se trouva abandonnée. Seules vingt-cinq personnes décidèrent d’y rester.
Retour en 2018 sur Maewan au mouillage devant l’île à explorer. Nous voilà à peine arrivés que les baleines nous offrent un premier spectacle en soufflant puis plongeant devant le bateau. Sur le quai, Tapu et sa femme nous attendent. Tapu, c’est un jeune habitant de l’île qui aimerait développer les activités outdoor sur Makatea. Erwan l’a connu par l’intermédiaire de Maček, un cordiste rencontré par le hasard du “mana” (karma polynésien) chez Ie revendeur Petzl de Tahiti. Maček et ses trois employés arrivent justement demain pour équiper les premières voies d’escalade sur les falaises. Une fois les présentations faites, Tapu nous emmène en 4×4 visiter des grottes d’eau douce. Sur le chemin, nous découvrons les ruines des anciens bâtiments industriels. Elles sont recouvertes de végétation, un décor étrange qui me fait penser à celui de la série « Lost ».
Après avoir traversé le petit village, bien vivant celui-ci avec sa mairie, sa poste et son école, nous arrivons à l’entrée des grottes. L’eau douce est plus fraîche que l’océan. L’occasion de nous dessaler la peau, au milieu d’impressionnants stalactites éclairés par nos lampes frontales. C’est la première surprise de l’île. Nous continuons ensuite, toujours à bord du 4×4, sur une piste à travers une forêt intense puis longeant une plage paradisiaque pour finir au pied des fameuses falaises. Ce lieu sera le théâtre de l’une de nos futures aventures sur Makatea.
Une bonne nuit sur le bateau et nous attaquons l’installation d’une slackline sur les vestiges du port. Une ligne urbaine en Polynésie ! Nous n’avions pas imaginé ce scénario, mais le lieu s’y prête drôlement. Antony grimpe en « artif » sur une tour lisse d’une quinzaine de mètres. Nous faisons passer une corde par-dessus la tour opposée et nous voilà au sommet des deux ruines de béton et d’acier érigées sur la barrière de corail. Nous terminons l’installation de la ligne de 110 mètres juste avant que le soleil nous offre l’un de ses plus beaux couchés. C’est dans ce décor qu’Antony s’élance sur le fil pour « redonner vie au port de Makatea ».
Comme le dit Julien, le maire de l’île. Il est aussi le père de Tapu et puis en quelque sorte le “pater” de tout le village. Le spectacle de funambule se jouant sur les vestiges qu’il avait jadis connu vivants l’a fort impressionné. Originaire de l’île par sa mère il les avait toutes deux quittées pour faire carrière à Tahiti et au Japon. Puis il était revenu s’occuper de ses racines bien ancrées dans la terre du phosphate. Aujourd’hui, avec son fils, ils œuvrent pour initier le développement touristique de leur île. Car si son cadre est accueillant, ses habitants le sont tout autant. Une autre des surprises que nous offre ce lieu, la grande sympathie avec laquelle nous y sommes accueillis. J’ai le sentiment que c’est le cas dans toute la Polynésie.
Nous passons la matinée suivante avec les dix enfants de l’école maternelle du village. Marion et Erwan leur font découvrir les précédentes aventures de Maewan puis nous installons une petite slackline dans la cour afin de les initier à notre passion. Un moment riche en échange de sourires. L’après-midi, pendant qu’Antony est parti repérer un éventuel saut en base jump sur la falaise de la plage, Julien nous emmène sur les lieux de l’exploitation du phosphate. Nous nous retrouvons dans un décor curieux à se promener sur du calcaire, entre de profonds trous d’où le minerai à été extrait. Comme un géant lapiaz, non pas taillé par l’eau, mais par l’homme. Un autre endroit de l’île à ne pas manquer.
Après une nuit calme à terre passée chez notre « pater » et maire, nous partons tôt avec les cordistes pour une tentative de saut en base jump. La falaise est petite, mais suffisamment haute pour permettre au parachute de s’ouvrir. Si le vent est faible, il va sauter ! Arrivé sur place, le vent est fort, mais Antony décide de monter quand même, quitte à faire demi-tour. Accompagné par Bertrand, notre cher cameraman, qui m’a missionné de filmer le saut depuis la plage en bas. Le vent ne fait que forcir, mais après plusieurs réflexions, Anto décide d’y aller. Il s’élance alors du haut de l’atoll suspendu. Un saut avec vue sur l’océan turquoise et la plage de rêve. C’est Tapu qui s’occupe de tenir l’extracteur du parachute, une tâche importante qu’il accomplit avec sérieux et émotion. La chute se passe à merveille, Antony se pose 70 mètres plus bas sur la plage, quelque peu chahuté par les alizés. Du base jump sur Makatea, une première que l’on ne reverra sûrement pas d’aussi tôt… En revanche, je suis certain que l’on entendra parler de l’île pour ses falaises à grimper.
Au soir de ce quatrième jour, il est temps pour nous de quitter la perle des Tuamotu. Nous disons au revoir, et même à bientôt à ceux qui nous ont si bien fait découvrir leur trésor. La suite de nos aventures se déroulera aux Marquises et il nous reste quelques miles pour y arriver…